Retour au sommaire de l'article Page suivante de l'article

Page 12 de l'article

Retour au sommaire de l'article Page suivante de l'article

 

 

 

IV

 

L'abbaye possédait à Blâmont et à Sarrebourg des hôtels où elle mettait en sûreté ses titres et ses ornements les plus précieux pendant les temps de guerres ou de troubles ; le duc de Lorraine Charles IV lui accorda, en 1628, pour ces maisons, l'exemption du logement des soldats (2).

A cette époque déjà , les mouvements de troupes étaient plus fréquents et partout l'on se préparait à la guerre. Elle éclata bientôt, en effet, cette guerre sauvage qui ravagea notre pays et réduisit en quelques années ses malheureux habitants à la plus affreuse misère. Haute-Seille ne devait pas échapper à la ruine générale : ses champs furent dévastés, ses récoltes et ses bestiaux enlevés et ses bâtiments, après avoir été mis au pillage, devinrent en partie la proie des flammes et nécessitèrent dans la suite de coûteuses reconstructions. Il en fut de même de la plupart des métairies quelle possédait, et l'on sait que celle de Récour fut réduite en cendres, vers la Toussaint de 1635, par une armée qui y passait. Cette année les religieux furent obligés de contracter un emprunt " pour réparer les ruines et incendies de leurs maisons et métairies , ce qui les a forcés de se retirer dans les villes voisines (3). " L'année suivante ils durent engager à Charles Massu, prévôt de Blâmont, les dîmes de ce lieu et leur droit de rapportage (4) à Barbezieux, Barbas, Fremonville et Gogney, pour la somme de 1,900 francs (5). Un grand nombre de biens furent ainsi mis en gage à cette époque, dont beaucoup ne purent être rachetés et demeurèrent à jamais perdus.

En 1648, la situation de Haute-Seille était si précaire, que l'on voit l'abbé, Dom Louis Fériet, afin d'arriver à dégager les biens que son monastère possédait à Roshheim, ayant épuisé toutes ses ressources, forcé de mettre sa crosse en gage pour 800 francs, et même de vendre à un marchand de Strasbourg toutes les cloches " que l'on disoit estre de Hesse et pesoient environ six milliers (6). " Plus tard, il fallut vendre la maison de Blâmont, pour parvenir à retirer les dîmes de ce lieu et emprunter aux chartreux de Molsheim, pour "  réparer l'église de Hesse, qui avoit été renversée et rétablir les bâtiments et les usines de ce prieuré, qui étoient entièrement abandonnés (7) ". Enfin, l'abbaye se vit condamner, par une sentence du bailliage de Lunéville, après un long procès avec le chapitre de Blâmont, à reconstruire en partie l'église de cette ville, qui avait été brûlée pendant la guerre et à lui fournir un calice et les ornements nécessaires au culte (8).

Lorsque Dom Jacques Moreau de Mautour fut nommé abbé en 1699 (9) ; il fit faire du monastère et de ses dépendances un état qui montre dans quelle situation précaire Haute-Seille se trouvait encore. La communauté ne se composait que du prieur et de cinq religieux, dont le cellérier, le dépensier et le sacristain, de trois frères et de l'organiste ; il y avait en outre trois religieux desserrant les cures de Bertrambois , Hesse et Languimberg; les dettes se montaient à 40,959 fr. barrois, le moulin était abandonné, les étangs ne rapportaient rien à cause du manque d'entretien des chaussées : " la pluspart des, batiments estoient négligés depuis un très lontemps, il rnanquoit des vitres presque partout, il n'y avoit aucune cerrure dans aucune porte de l'abbaye, une grande partie des portes se trouvaient rompües, il manquoit des barreaux à toutes les fenestres du dortoir, grand grenier, etc., le grand bâtiment de la grande cuisine menaçoit de ruine, il faloit retenir généralement toutes les houvertures, recurer touts les anciens conduits qui traversent l'abbaye et les murer à neuf, refaire plusieurs ruines dans la cloture et remettre la thuillerie sur pied qui estoit abandonnée (10). "

 

 

(1) H. 542.

(2) Ibid.

(3) H. 560. La dépopulation et la ruine avaient été si rapides, que le rôle des habitants de Hesse en 1638 porte " qu'ils étoient au nombre de six, encore entièrement ruinés et appauvris. "

(4) Sorte de rente en nature.

(5) H. 542.

(6) Ibid.

(7) Ibid.

(8) Ibid.

(9) Il était né à Dijon et fut nommé par brevet de Louis XIV alors maître de la Lorraine, approuvé par l'abbé de Morimont, en remplacement de Dom Claude de Bretagne, qui, à cause de son grand âge, avait résigné sa dignité moyennant une pension de 1,200 livres ; Léopold lui accorda plus tard des lettres de naturalité. Il faisait sa résidence ordinaire à Blâmont.

(10) H.558.