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V

 

Grâce au règne réparateur du duc Léopold et à la paix que ce prince sut maintenir en Lorraine, grâce aussi à l'administration habile et économe de l'abbé Moreau, qui augmenta beaucoup les revenus du monastère et éteignit une partie de ses dettes, Haute-Seille se releva peu à peu de ses ruines. En 1707 et 1708 on rétablit les cloîtres, les stalles de l'église, etc. ; en 1711, des marchés furent passés avec Jean Vallier, de Nancy, sculpteur, pour faire la sculpture qui devoit être autour du sanctuaire " et avec Antoine Malbert architecte " pour faire le bâtiment de trois faces à l'abbaye. "

Dom Moreau eut, en 1706, l'honneur de donner pendant quelques jours l'hospitalité au prince Camille et à l'abbé de Lorraine, son frère. Ce fait se trouve consigné dans les Mémoires de M. Moreau de Brazey, neveu de l'abbé de Haute-Seille (1) :

 

" Ce fut enfin de Lunéville,

De cette auguste et magnifique cour,

Que partit le Prince Camille

Et l'Abbé de Lorraine unis d'un même amour,

Pour chercher un Ami jusque dans sa retraite.

Muse, rapelle ici le ravissant transport

Du trop heureux mortel, dont l'ame satisfaite

Voit deux Princes choisir, pour embellir son sort,

Ses reculéz desserts.....

 

"  Au milieu d’un grand bois, au fond d'une prairie,

Paroît l’enceinte encor d'une antique Abbaïe,

Renfermant de vieux bâtimens,

Eternels monumens, -

D'une dévotion digne à jamais de gloire.

L'Eglise, en son entier, rapelle la mémoire

Des Ducs ses souverains presque tous fondateurs,

Et dans les mauvais temps toûjours restaurateurs

Des désordres cruels qu'avoit causé la guerre

Pendant plus de cent ans.

Un ruisseau clair et net en partage la terre

Et donne abondamment de la truitte en tout temps ;

Là, dix Religieux, sous un Abbé, leur maître,

D'un cœur humilié, mais égal et joyeux,

Offrent dévotement leurs priéres, leurs vœux,

Pour fléchir du vrai Dieu l'ire prête à paraître

Contre tous infracteurs de sa divine, loi.

Là, chacun suit de bonne foi

Sa régle et son devoir sans nulle répugnance,

Observant régulièrement

Et les jours de férie et les jours d'abstinence.

Dans cet antique Monument,

Que l'Abbé Dom Moreau par son oeconomie

A rendu commode et plaisant

Après avoir fondé les besoins de la vie,

Recouvert une terre engagée autrefois,

Reparé les Autels d'ornemens magnifiques,

Rétabli l'ordre et rapellé les loix

Que des Esprits altiers, rudes, mélancoliques,

Dans la vacance avoient jadis mis aux abois,

Dans ce Désert enfin, deux Princes de Lorraine,

De ce sang si célèbre et si digne d'amour,

Abordérent sur le déclin du jour

Du dernier jour de la semaine.

L'Abbé, charmé d'un si sensible honneur

Et déjà prévenu d'une si grande grâce,

N'avoit rien épargné pour marquer son ardeur

Et de son triste enclos réparer la disgrâce.

La chère y fut complette et l'Hôte grâcieux,

Le vin y fut trouvé friand, délicieux,

Les Princes et leur suitte aimable

Furent également contents et satisfaits ; ....."

Le calme où vivaient alors les religieux fut encore troublé par le prince de Salm ; mais, cette fois, c'était la faute de l'abbé. Celui-ci ayant cru pouvoir se qualifier, en 1725, de seigneur haut, moyen et bas justicier à Haute-Seille, le prince s'opposa aussitôt à cette prétention, et un arrêt des commissaires députés pour examiner les droits de chaque partie fit défense à l'abbé de prendre cette qualité. En conséquence, les plaids annaux de 1730 furent tenus par les officiers de la principauté et du comté de Salm dans la basse-cour même du monastère (2). L'abbé protesta , mais il est certain que ce fut en vain, puisque l'état des biens de l'abbaye, dressé en 1747 et que nous avons déjà cité, dit que " la haute, moyenne et basse justice dans le lieu et ban de Hauteseille appartient pour moitié aux domaines en commun tant du comté que de la principauté de Salm, et y est exercé par les officiers en commun desdites principauté et comté, et l'abbaye n'y a aucune part. "

 

 

(1) Mémoires de M. D. B. C. D. L., brigadier des armées de S. M. Czarienne. A Véritopolie, 1735. T. III, p. 149.

(2) H. 542.